vendredi 23 mars 2018

Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra

Des pâtes levées, des pâtes à foncer diffèrent-elles quand elles sont cuites dans un four départ à froid ou départ à chaud ?On dispose de pâte à brioche pointée (300 g dans chaque moule), et l'on prépare les pâtes à foncer.

On commence par observer que la terminologie des pâtes est incohérente, certains voyant la
différence entre pâtes sablées et pâtes brisées dans les proportions, et d'autres dans les procédés.
Pour nos expériences, on prépare une pâte avec 500 g de farine 250 g de farine, et 14 g d'eau.
La farine est ajoutée lentement au beurre travaillé, puis de l'eau est ajoutée en fin de travail. La pâte
est froncée, puis étalée, et placée dans deux moules en porcelaine blanche de 25 cm de diamètre et
10 cm de haut : en effet, on prévoyait que les pâtes départ à froid s'effondreraient pendant le
chauffage initial
A 17h 12, on enfourne un moule à brioche et un moule à tarte (les brioches en haut, les tartes en
bas), en fond de four. On allume alors un four à convection à 175 °C (la circulation vient du coté
gauche du four).
Après 1 min, la température atteint 130 °C.
A 17h15, la brioche 1 pousse légèrement
Dans le moule à tarte, la pâte s'affaisse légèrement.
A 17 h 21, la brioche 1 commence à colorer
On enfourne alors la brioche 2 et la tarte 2, en les plaçant devant, les brioches au même niveau, les
tartes au même niveau
A 17 h 25 : la brioche 1 est bien colorée (coloration suffisante), et la brioche commence à colorer
La tarte 1 s'est éclaircie (descendue de 3 cm par rétraction), et la tarte 2 est un peu affaissée.
A 17 h 29 : les deux tartes sont rétractées de la même manière, et le fond de la tarte 2 bombe.
La coloration de la brioche 1 n'as pas notablement augmenté, et la brioche a perdu du volume. La
brioche 2 s'épanouit ; elle est plus montée que la première, éclate un peu.
A 17 h 33 : la brioche 2 est plus gonflée, mais moins belle (moins régulière)
A 17 h 25 :
la tarte 1 colore ; la tarte 2 bombe, mais n'est pas colorée
La brioche 1 est belle ; la brioche 2 est moins belle, mais plus gonflée
On mesure alors une tempérautre de 177°C.
A 17 h 50, la température est de 172 °C. On sort les brioches : la brioche 2, plus gonflée, a les
flancs qui se creusent.
On effectue un test triangulaire : on ne voit pas de différence pour la mie, et pas de différence pour
la croûte
A 17 h 57, on sort les tartes. Là encore, on ne voit pas de différences
Puis on veut savoir si l'on peut faire des pâtes à foncer avec plus de beurre que de farine. On fait
donc l'expérience de cuire :
- une pâte avec 125 g de beurre et 100 de farine
- une pâte avec 125 g de beurre et 75 de farine
Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra
On n'utilise pas d'eau.
Evidemement, les pâtes sont faciles à abaisser
A la cuison, les disques bullent, s'étalent comme des tuiles. Finalement, elles sont trop friables pour
se tenir.
Ci dessous, des images des résultats :




samedi 17 mars 2018

les hollandaises ont-elles un goût différent dans des casseroles en cuivre étamé ?

Le thème du mois : 

Les hollandaises ont-elles un goût différent dans des casseroles en cuivre étamé ?


Pour cette exploration expérimentale, nous bénéficions de l'expertise de Pierre Dominique Cécillon,
qui effectue deux hollandaises, l'une dans une casserole en cuivre étamé, et l'autres dans une
casserole émaillée.
Nous utilisons la recette suivante :
- 2 jaunes,
- 2 demi coquilles d'oeuf pleine d'eau
- sur le feu, foisonner
- ajouter le beurre par parcelles pendant que le fouette vigoureusement.
On décide de n'utiliser ni sel, ni poivre, ni piment de Cayenne, ni jus de citron, afin d'obtenir des
produits dont le goût est plus facile à comparer.
On observe tout d'abord que, en raison du fond bombé de la casserole en cuivre, les sabayons
initiaux ne sont pas identiques, ce qui aurait dû être un facteur de différenciation. Notamment, le
sabayon dans la casserole étamée se fait plus vite (fond plus plat), et la couleur finale est plus jaune.
On s'interroge sur la persistance des bulles d'air après émulsification du beurre. Dans la réalisation
obtenue (environ 125 g de beurre seulement), elles semblent subsister :




Les deux sauces finalement réalisées sont donc visuellement différentes :



Finalement, on effectue un test triangulaire (sensoriel) avec plusieurs personnes (notamment des
professionnels) :
Les résultats : 1. faux ; 2. faux ; 3.juste ; 4.faux ; 5 : faux; 6 : faux ; 7 : juste
Le dernier dégustateur, qui a bien reconnu les différences observe que la consistance est analogue,
que le goût n'est pas discriminant, mais que c'est la température des deux sauces qui lui a permis de
faire la différence.
Autrement dit : pour l'instant, nous ne pouvons pas dire qu'il y aurait des différences entre
des hollandaises faites dans des casseroles en cuivre étamé, ou dans des casseroles émaillées.
Mieux encore, on peut même penser que ces différences n'existent pas
On renvoie sur les comptes rendus des séminaires précédents pour la question de la confection au
beurre pommade/beurre fondu, sur la question du foisonnement, sur la question du ratage et du
rattrapage.
Lors de l'expérience, on observe que le chef ajoute le beurre à la main, et l'on discute la question des
règles d'hygiène : on observe qu'il est bien inutile d'utiliser des gants quand ces derniers sont
rapidement souillés par le contact avec des surfaces d'ustensiles qui ne sont pas les aliments.
On compare avec casserole émaillée.
Le chef observe que l'on obtient une sauce qui se tient bien quand on la termine avec du
mascarpone, au blender.
On discute aussi la question de l'étamage, qui est donc périmé, et l'on propose de s'émerveiller de
l'omniprésence de l'inox en cuisine, car il évite les opérations de réétamage.


Note à Note 2017

 Les retours d'Hervé This


On discute le menu 100 % note à note servi par Julien Binz, à Ammerschwihr. L'événement a eu
Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra
lieu le mercredi 21 février 2018. Il s'agissait :
- d'une conférence de presse avec des démonstrations
- d'un diner vendu (complet en quelques jours seulement), exécuté dans le restaurant de Julien Binz
par Julien Binz (Maître Cuisinier de France, étoilé Michelin, 3 Toques au Gault Millau (15/20)) et
son équipe habituelle ; Hervé This présentait les plats et discutait la question de la cuisine note à
note.
Le verbatim du chef est :
«J’avais envie de comprendre et d’apprendre. La cuisine note à note est théorisée depuis une
dizaine d’années, mais pas réellement mise en pratique. J’ai entrepris de travailler sur ce menu par
curiosité intellectuelle», précise-t-il. «J’ai accepté de perdre tous mes repères en cuisine, pour le
préparer et les clients doivent en faire de même pour le déguster. Il ne s’agit pas de démontrer que
c’est meilleur, mais c’est différent incontestablement. Pour celui qui le consomme, il ne s’agit pas
d’établir une préférence, mais d’accepter d’envisager que c’est une cuisine d’avenir.
«Plus d’un mois d’expérimentations a été nécessaire pour créer ce menu, mais j’imagine qu’avec
un laboratoire de recherches et une équipe dédiée, le champ des possibles gustatifs et esthétiques
est exponentiel. Comme il n’existe pas d’ouvrages de recettes note à note, j’ai procédé par
recherches, par expérimentations, en procédant à de nombreux essais puis les préparations sont
devenues concluantes et satisfaisante. Le menu est perfectible, mais nous sommes fiers d’avoir pu
réaliser ce menu en un mois avec mes équipes. Nous avons la satisfaction, à notre échelle humaine
de cuisiniers, d’avoir contribué à poser une pierre supplémentaire à l’édifice scientifique de la
cuisine note à note.
«J’ai rencontré Hervé This sur le salon EGAST en 2010 », se souvient Julien Binz. «Et depuis nos
routes se sont souvent croisées. J’ai suivi son travail et ses publications, j’ai eu la chance de
m’attabler chez El Bulli et chez Pierre Gagnaire, et d’assister à des conférences. Par ailleurs, nous
sommes voisins quelques mois dans l’année, ce qui nous a permis d’échanger avec plus de
régularité. J’admire sa science et son expertise », reconnaît Julien Binz.
« Pour ce menu, j’ai utilisé des produits tels les protéines végétales de pois, des protéines de lait,
blanc d’oeuf séché, jaune d’oeuf séché, agar-agar, amidon de mais (maïzena), carraghénane kappa,
eau, saccharose, glucose atomisé, mais aussi des émulsifiants et divers autres additifs, en
choisissant évidemment des produits parfaitement sains. Je remercie vivement le Groupe d'étude et
de promotion des protéines végétales (GEPV), ainsi que la société Ingrédia, qui m'ont procuré des
protéines.
« A cela, s’ajoutent les « évocations » de la Société Iqemusu : ces flacons aux notes odorantes
concentrées sur un support à base d’huile de tournesol. C’est innovant, car on utilise une note
odorante élémentaire, au lieu d'une préparation odorante toute faite par l'industrie des parfums,
comme une préparation «pêche » telle que l'utiliserait l'industrie des yaourts, par exemple. C'est le
cuisinier qui a la maîtrise du goût. Et ces « évocations » méritent bien leur nom : seuls un composé
de la pêche est retenu dans le produit « évocation pêche ». Parmi ceux que j'ai utilisés, il y a par
exemple l’évocation Frum (liquoreux, fruité et rum), Mapo (cacao, végétal et fruité) ou encore
Chapre (fromage de chèvre, cuir et gras). Il existe une trentaine d’évocations, à ce jour, sur les
dizaines de milliers possibles, et j’en ai utilisé une quinzaine pour réaliser ce menu ».
«Je suis très attaché aux produits frais, continue Julien Binz, et notre établissement ne
bouleversera pas ses cartes. Il est évident que ces nouvelles techniques acquises seront introduites
par note dans quelques recettes, tout comme l’utilisation de certains composés seront utilisés pour
répondre aux allergies et intolérances alimentaires. La semaine dernière, une personne allergique
au lactose a pu découvrir «l’oeuf revisité ». Le retour gustatif était très positif : elle était
Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra
agréablement surprise par le jeu des textures et des aromes inédits. Ce sera une alternative
surprenante et innovante aux traditionnelles assiettes de légumes. C’est aussi l’intérêt de la cuisine
note à note de manière immédiate et empirique, la réponse aux multiples allergènes, intolérances,
menus végétariens et végétaliens. J’en tire des enseignements, dont je pourrai me servir dès
demain.
La cuisine note à note implique l’acquisition des savoirs-fondamentaux du métier de cuisinier. Elle
s’appuie sur une certaine complexité ». Interrogé sur la notion de cuisine «faite maison», le chef
sourit : «Oui et même au-delà d’une certaine manière, puisque ce sont des composés purs et bruts
qui sont cuisinés et transformés sur place», conclut-il.
Et le menu a été le suivant :